Décarbonation de sites web : regards croisés de Youen Chéné de Webvert et Mathieu Cottard de Greenoco

La décarbonation de sites web est un sujet qui mêle mesure, sensibilisation, formation et action. Un échange avec deux acteurs normands, Webvert et Greenoco, vous permettra de mieux comprendre leurs approches et leur complémentarité. Ils évoquent aussi les limites qu’ils rencontrent aujourd’hui. Tout ceci avec un message commun : vous avez les clés en main pour optimiser votre site web !

 

Le poids moyen d’une page web a été multiplié par 155 en 10 ans. Nul doute qu’il y a énormément à faire pour rendre nos sites webs plus performants d’un point de vue environnemental. Alors que plusieurs outils de mesure et d’optimisation ont vu le jour ces dernières années, nous avons échangé avec deux acteurs normands de la thématique : Mathieu Cottard de Greenoco et Youen Chéné de Webvert

Quelle est votre approche en termes de décarbonation ? 

M.C : Chez Greenoco, on part du principe qu’il y a un stock de sites web existants sur le marché, que toutes les organisations ne vont pas se lancer dans des projets de refonte intégrant l’écoconception. Il y a donc des optimisations à mettre en place sans modification des fonctionnalités et des contenus. Notre outil vise donc à identifier les dix plus grosses améliorations à réaliser qui représentent en moyenne une réduction de 25% des émissions du site web. C’est un outil qui nécessite derrière une analyse humaine, et qui est aussi pensé pour suivre l’évolution au fil du temps, afin d’identifier et corriger des erreurs qui réapparaissent du fait de mauvaises pratiques par exemple.

Y.C : Chez Webvert, on aime se surnommer les éboueurs du web. On s’est concentré sur la phase d’action en proposant une prestation standardisée et industrialisée qui permet de réduire l’impact d’un site web. Concrètement c’est une solution d’optimisation technique qui permet de traiter n’importe quel type de site (un petit site pour nous fait moins de 1000 pages), et d’offrir un tarif accessible pour des TPE par exemple. Une grande partie des optimisations réalisées portent sur les contenus visuels comme les images. On souligne aussi que ce travail permet aussi de gagner en performance pour le site web : vitesse de chargement, donc moins de taux de rebond (part des visiteurs qui quittent le site en n’ayant consulté qu’une seule page), meilleur référencement, etc.
 

Qu’est ce qui vous différencie et vous rend complémentaire ?

M.C : De notre côté on est vraiment là pour identifier les optimisations, Webvert est là pour les réaliser. Ensuite la grande différence entre les acteurs c’est la méthodologie de mesure. 
Aujourd’hui il n’y a pas une méthodologie unique reconnue scientifiquement. Pour nous on se concentre sur la question de la bande passante nécessaire et du nombre de requêtes, rapportés à l’audience de chaque page, pour avoir une vision globale du site web. Et on ramène ça à un benchmark des plus gros sites web qu’on a réalisé au démarrage de Greenoco pour calibrer notre score.

Y.C : Je rebondis sur la question de la méthodologie. La première chose à rappeler c’est qu’on travaille sur des sites web de contenus, pas des applications web qui ont des considérations techniques bien plus complexes. De notre côté on a préféré ne pas juger le contenu mais uniquement la technique. Donc on mesure le taux d’inutilité technique, tout ce qui pourrait être amélioré sans différence visible pour l’utilisateur.
 

Quelles sont les limites que vous rencontrez aujourd’hui ?

Y.C : Le gros enjeu aujourd’hui c’est notre capacité à rapprocher nos modélisations (la théorie) d’expérimentations (la pratique). On est en train de financer une thèse sur le sujet, et le plus gros frein c’est l’accès à la donnée : il faut que des acteurs de l’hébergement comme OVH, o2switch ou Infomaniak nous donnent accès à ces données pour aller plus loin.
Et de la même manière, on ne peut pas participer à l’amélioration de certains outils comme l’EcoIndex car l’ACV (analyse du cycle de vie) sur laquelle il s’appuie n’est pas publique.
C’est pour ça que j’ai rejoint le collectif Boavizta, pour essayer d’aller vers un bien commun de la mesure utilisable par tous.

M.C : Je rejoins Youen sur ce point. La mesure est un sujet complexe : même si on allait se brancher avec un wattmètre à un serveur, on aurait encore des inconnues concernant les infrastructures réseaux, les serveurs mutualisés (votre site est sur le serveur avec plein d’autres sites), les intermédiaires de contenus (CDN), les terminaux utilisateurs. Donc on fait tous des choix de modélisation imparfaits mais améliorés à mesure que la connaissance du sujet augmente. Donc aller vers une méthodologie validée scientifiquement et reconnue par tous nous aiderait grandement.

Quel conseil souhaitez-vous donner aux organisations pour aborder le sujet ?

M.C : Pour moi ça commence par une sensibilisation des services digitaux et des DSI. Bien sûr il faut passer par une phase d’audit combinant mesures et questionnement de l’utilité des fonctionnalités et contenus, mais ce qui est primordial à mon sens c’est la formation des personnes qui font vivre les sites au quotidien, qu’ils soient communicants, graphistes, développeurs, etc.

Y.C : Tout à fait d’accord avec Mathieu sur l’importance des utilisateurs. Les équipes communication et marketing ont vraiment le pouvoir d’agir. Elles ont un impact important car elles font vivre le site web au quotidien, en publiant des articles, en mettant à jour des contenus. Il est vraiment crucial que ces utilisateurs adoptent les bons réflexes.