Consommation d’eau du numérique : la goutte qui fait déborder le vase ?

Alors que différents territoires à travers le monde traversent des tensions d’approvisionnement en eau ces derniers mois (comme  Mayotte ou l’Uruguay), la question de l’arbitrage entre usages commence sérieusement à se poser. Une bonne raison de s’intéresser à la consommation d’eau du numérique.

 

La pluie est de retour en Normandie en cet automne, et pourtant le sujet de la sécheresse n’est pas derrière nous comme le montrait cet état des nappes phréatiques au 1er octobre, réalisé par le BRGM, avec 66% des nappes sous les normales de niveau. Alors que la question de l’eau devient cruciale partout autour de la planète, intéressons-nous d’un peu plus près à la consommation d’eau du secteur du numérique.

Quelles activités du secteur consomment de l’eau ? 

Au sein du secteur, trois grands postes se démarquent du point de vue de la consommation en eau : 

  • L’extraction des métaux critiques
  • La fabrication des semi-conducteurs 
  • Le refroidissement des data centers

Mais il est important de ne pas avoir une approche trop comptable qui aurait peu de sens si on ne relie pas le volume d’eau consommée aux contextes territoriaux ainsi qu’aux formes d’eau utilisées. 
 

L’extraction des métaux critiques

Cobalt, Lithium, Cuivre sont quelques-uns des métaux critiques pour la fabrication de nos équipements numériques. Ceux-ci sont majoritairement extraits dans des régions du monde où la ressource en eau se fait de plus en plus rare. 

Comme le mentionne ce rapport de France Stratégie, l’eau est nécessaire à différentes étapes de l’extraction, notamment aux phases de broyage et de concentration, qui représentent 70% de la consommation en eau de l’industrie minière. 

Dans une étude de l’Ademe de 2017, on apprend que l’industrie minière au Chili consommait près de 13m3 par seconde en 2016, et que cette consommation pourrait atteindre 20 m3 par seconde d’ici 2026 (soit 7 fois la consommation d’eau du Grand Lyon).
Le pays a récemment renoncé à un nouveau projet minier pour des raisons environnementales et notamment en raison de la consommation en eau d’un tel projet.

Ces questions d’arbitrage ne concernent pas que des pays de l’autre côté du globe puisque l’exploitation d’une mine de lithium est en étude dans l’Allier, censée débuter en 2027. Dans un département souffrant déjà de la sécheresse et face à une entreprise restant floue sur la quantité d’eau qui serait utilisée, il est certain que ce projet pose de nombreuses questions sur l’allocation d’une ressource devenant de plus en plus précieuse.

La fabrication des semi-conducteurs

C’est un aspect auquel on pense moins instinctivement lorsqu’on associe eau et numérique. 
Pourtant c’est une ressource clé pour la création des semi-conducteurs miniaturisés à l’extrême, indispensables aux processeurs présents dans tous nos outils technologiques actuels. Pendant leur production, ces puces électroniques doivent être nettoyées avec de l’eau purifiée, et certaines techniques plus précises de gravure appelées “lithographie par immersion” nécessitent que ces puces soient imprimées au travers d’une fine couche d’eau.

C’est ainsi que le premier fabricant de semi-conducteurs au monde, l’entreprise taïwanaise TSMC (56% des parts de marché mondial), consomme 156 000 tonnes d’eau purifiée par jour. Sur une île qui a récemment fait face à une forte période de sécheresse, la question de l’utilisation de l’eau pour l’industrie contre l’utilisation pour des usages agricoles devient un sujet très épineux. 

Le parallèle peut à nouveau être fait chez nous avec plusieurs projets d’usines électroniques en Isère qui soulèvent le même type de questions.

Le refroidissement des data centers 

On parle beaucoup de leur consommation énergétique, un peu moins de leur consommation en eau. Pourtant nos centres de données consomment de grandes quantités d’eau pour leur refroidissement, par différents mécanismes tels que le pompage des cours d’eau ou l’échange de chaleur avec les nappes phréatiques.

Tout comme on mesure l’efficacité énergétique d’un centre de données avec son PUE (Power Usage Effectiveness), on mesure l’efficacité de consommation en eau avec son WUE (Water Usage Effectiveness), en nombre de litres nécessaires par kWh consommé.

Avec l’explosion du volume de données et donc du nombre de data centers, la consommation en eau bondit. Une entreprise comme Google a ainsi vu sa consommation augmenter de 20% en 1 an, pour atteindre 21 milliards de litres.

Comme pour l’extraction et la fabrication, cette consommation en eau intervient parfois dans des territoires faisant face à un manque d’eau, rajoutant donc une pression supplémentaire sur une ressource qui s’amoindrit, comme aux Pays Bas en 2022 avec Microsoft, ou encore à Londres où la compagnie de distribution d’eau envisage des restrictions pour ces entreprises.

C’est un sujet complexe qui met néanmoins en lumière les difficultés à venir dans des territoires bien souvent soumis naturellement à des situations de stress hydrique. Vous pouvez approfondir avec cette synthèse détaillée de l’empreinte hydrique du secteur.