Numérique et géopolitique : quelles actualités à travers le monde ?

Le numérique est extrêmement dépendant de certaines ressources stratégiques et d’une poignée d’acteurs industriels, pour la plupart en Asie. Nous revenons dans cet article sur quelques récentes évolutions qui pourraient impacter nos usages numériques dans un futur proche.

Les actualités concernant l’industrie du numérique à travers le monde sont assez éparses et parfois difficiles à trouver dans les médias les plus diffusés. Nous revenons dans cet article sur trois informations des derniers mois permettant de mieux comprendre ce qui est en train de se jouer là où la grande majorité de nos outils numériques voient le jour : en Asie.

La Chine durcit sa politique liée aux ressources stratégiques

La première information concerne la Chine, qui a annoncé fin décembre 2023 qu’elle interdisait l’exportation de technologies liées à l’extraction des terres rares, après avoir conditionné l’exportation de deux métaux stratégiques (gallium et germanium) dans le courant de l’année. Il s’agit d’une escalade dans la rivalité avec les Etats Unis qui va priver les partenaires commerciaux de la Chine de certains matériaux hautement stratégiques. Car il faut rappeler que les terres rares, un ensemble de 17 éléments, sont indispensables à de nombreuses technologies comme les batteries électriques, les smartphones, les écrans LCD, les éoliennes, certains équipements militaires, etc. 

Quand on sait par ailleurs qu’en 2022, la Chine a extrait 58% de la production mondiale de terres rares et en a raffiné 89%, on comprend dès lors que de nombreux pays comme ceux de l’Union Européenne et les Etats Unis considèrent toutes les problématiques relatives à l’approvisionnement de ces métaux comme une question de sécurité nationale.

Les transferts technologiques pilotés par les Chinois

a deuxième information nous permet de comprendre que la Chine a déjà pris le pas sur la question du transfert technologique, avec l’exemple de Foxconn, notamment connu pour fabriquer les Iphones pour Apple , qui transfère une partie de sa production chinoise en Inde, en envoyant sur place ses ingénieurs chinois afin de former les ouvriers indiens. Mais comme le mentionne l’article, la démarche est semée d'obstacles pour atteindre l’efficacité des usines chinoises, et pour familiariser les cadres chinois aux pratiques indiennes afin de faciliter le transfert de compétences. 

Des éléments qui rappellent les transferts technologiques de l’industrie automobile d’Europe et des Etats-Unis vers la Chine à la fin du XXe siècle. Le contexte géopolitique mondial a drastiquement changé, et l’hégémonie occidentale en matière de technologie n’est plus.
 

Une réduction de la dépendance à la Chine semée d’obstacles

La dernière information permet de comprendre que s’affranchir d’un acteur tel que la Chine sur ces secteurs stratégiques est loin d’être évident. Les Etats-Unis ont depuis plusieurs mois entamé une accélération des échanges avec le Vietnam afin d’en faire un partenaire stratégique et réduire sa dépendance vis-à-vis de la Chine, notamment pour la fabrication de semi-conducteurs. 

Mais le pays fait face à plusieurs défis pour accroître ses capacités de production, et le premier est celui de la main d’œuvre: on dénombre environ 5500 ingénieurs spécialisés dans la conception de puces électroniques dans le pays à fin 2023, alors que le pays aurait besoin de 5 000 à 10 000 ingénieurs chaque année pour tenir ses objectifs de croissance. Dans ce pays de 100 millions d’habitants, le nombre d’établissements d’enseignement spécialisés dans ces technologies est faible et beaucoup manquent d’expérience pour former à grande échelle.

Le manque de main d’œuvre qualifiée est par ailleurs couplé à des problématiques d’infrastructures et de changement climatique, qui entraînent notamment des coupures de courant à la saison sèche en raison de plus longues et fréquentes périodes de canicule, ce qui fragilise les capacités de production.

Force est de constater que la puissance de la Chine sur ces sujets stratégiques risque fort de perdurer dans les années à venir, et que cette situation tendue sur les approvisionnements ne fera probablement que s’accentuer dans les années à venir.