Ecoconception : Interview d’Aurélie Baton, membre des Designers Éthiques

Peut-on limiter l’empreinte environnementale du numérique grâce à l’écoconception ? Réponse avec Aurélie Baton, UX/UI designer indépendante et membre des Designers Éthiques. Découvrez également les freins et les points de vigilance habituels qu’elle rencontre dans les organisations, ainsi que ses conseils pour bien initier la démarche dans votre organisation !

C’est une des conclusions des projections 2030 et 2050 de l’ADEME et de l’Arcep : il faut interroger l’ampleur du développement de nouveaux produits et services, notamment pour limiter le nombre d’équipements. Est-ce un défi auquel il est possible de répondre grâce à l’aide de l’écoconception ?

Nous avons posé la question à Aurélie Baton, UX (expérience utilisateur)/UI(interface utilisateur) designer indépendante et membre des Designers Éthiques. Cerise sur le gâteau, Aurélie est une locale puisqu’elle est Sottevillaise.

Bonjour Aurélie, peux-tu présenter en quelques mots les designers éthiques et ton rôle au sein du collectif ?

A.B : Les Designers Éthiques est une association qui regroupe des professionnels qui explorent les pratiques de conception responsable et durable dans le numérique. Je suis co-chargée du programme écoconception et co-autrice du guide d’écoconception de l’association. Le guide se concentre sur la question de l’écoconception et donc des impacts environnementaux, mais nous mettons en perspective cette pratique avec les autres composantes d’une conception responsable que sont l’accessibilité, l’inclusion ou encore l’éthique.

Comment l’écoconception peut selon toi participer à limiter l’explosion de l’empreinte environnementale du numérique à horizon 2030 et 2050 ?

A.B : Pour moi, l’écoconception est à allier avec une démarche de design systémique qui vise à recenser toutes les externalités d’un projet dès son cadrage. L’environnement est donc au cœur de la démarche tout au long du projet et sur tout le cycle de vie du service (ou du produit) en fonction d’une unité fonctionnelle bien définie (un besoin).

L’enjeu principal de l’écoconception c’est donc le questionnement du besoin : y a-t-il besoin de numériser ? Le besoin est-il réellement justifié, est ce que c’est nécessaire ? Quels sont les besoins essentiels du projet ? Le résultat c’est l’inverse de tous ces écrans publicitaires qui fleurissent dans les gares et qui me hérissent le poil !

La clé c’est de limiter au maximum l’obsolescence logicielle pour éviter le renouvellement des équipements et ainsi allonger leur durée de vie. Il faut que les outils numériques fonctionnent aussi sur du vieux matériel, avec des connexions de moindre qualité.

Quels sont les freins et blocages que tu constates dans les organisations où tu interviens ?

A.B : Généralement j’ai la chance d’intervenir auprès de personnes qui sont déjà sensibilisées, si elles font appel à mes services c’est qu’elles sont plutôt ouvertes à la démarche. Le plus gros frein en général c’est d’arriver à concilier la stratégie marketing avec l’écoconception, d’où l’importance d’avoir des interlocuteurs un minimum sensibilisés (dans l’équipe projet et au niveau de la direction), car il y a surtout quelques idées reçues : c’est moche et c’est limitant (notamment sur les images). Mais il y a des organisations qui incluent la démarche dans leur stratégie de communication (voir le dernier site de Dalkia).

Au-delà des freins au démarrage, il y a quelques points de vigilance : l’écoconception ça ne s'arrête pas le jour où on passe le service en production. Il faut penser à former toutes les personnes qui le feront vivre tout au long de sa vie, au risque de perdre rapidement une bonne partie des bénéfices.

Il faut également veiller à ne pas tomber dans le greenwashing : l’écoconception de services numériques doit s’inscrire dans une démarche globale de l’entreprise, et la communication doit être cohérente et en phase avec les différentes actions réalisées.

Comment initier une démarche d’écoconception ?

A.B : Ça va dépendre du type de projets. Pour un site ou une application web relativement simple et avec un nombre limité de visites (dit simplement si on n’est ni La Poste ni les impôts), on peut démarrer en autonomie avec les outils et guides à disposition : 115 bonnes pratiques de Green IT, guide des designers éthiques, RGESN, GR491 de l’INR et Sobriété éditoriale.

Il ne faut pas se mettre de frein et y aller par étapes.

On sait que l’un des plus gros leviers de l’écoconception c’est le cadrage, la définition des besoins : il faut avoir ça en tête tout au long du projet.

La mesure est un élément très important, notamment pour éviter les potentiels effets rebonds, mais il ne faut pas rester bloqué à ce niveau, il faut que la mesure soit suivie d’actions. Et il faut avoir un niveau de mesure adapté à la complexité et à l’ampleur du projet.

Pour un service plus complexe, et notamment s’il est nécessaire de passer par une étape d’analyse ACV, il peut être pertinent de se faire accompagner.