Accessibilité du numérique : handicaps et déficiences, de quoi parle-t-on ? Zoom sur la dyslexie et interview de Bertrand Descours, directeur général de Lili for Life

L’accessibilité est une composante forte de la démarche de conception responsable. Mais accessible pour qui ? Nous revenons sur la notion de handicap dans le cadre de l’accessibilité numérique et faisons un zoom sur un handicap invisible qui touche une part non négligeable de la population, la dyslexie. Découvrez quelques bonnes pratiques spécifiques ainsi que Lili for Life, la lampe Rouennaise qui facilite la lecture pour les personnes dyslexiques.

L’un des grands principes de la conception responsable de services numériques est d’avoir un service utilisable.

Cette notion se décline en trois aspects :

-le premier est le matériel nécessaire pour utiliser le service. L’intégrer vise à lutter contre la fracture numérique.

-Le deuxième est lié aux compétences et connaissances nécessaires pour utiliser le service. Le but est de ne pas exclure les personnes en situation d’illectronisme.

-Le troisième aspect, et celui sur lequel nous allons nous concentrer dans cet article, est l’accessibilité. L’objectif est de rendre utilisable, sans obstacle (Le site d’Atalan permet de tester certains de ces obstacles), le service par les personnes en situations de handicap :

  • handicap permanent (déficients visuels, sourds, malentendants, daltoniens, etc.),
  • handicap temporaire (un bras dans le plâtre)
  • handicap situationnel (en extérieur en plein soleil)

Faisons un focus sur le handicap permanent : 24 % des 15-64 ans sont en situation de handicap au sens large, c’est-à-dire subissant « toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant. »

Il faut ajouter à cela que 80 % des handicaps sont invisibles. Les personnes peuvent être daltoniennes, migraineuses ou dyslexiques sans que l’on n’en sache rien.

Le 13 avril dernier, lors d’une conférence sur la dyslexie au Village by CA à Rouen, Laure Gracias, de l’IDEFHI, présentait les différents troubles neuro-développementaux et spécifiquement les troubles de l’apprentissage dont fait partie la dyslexie. Ces troubles se développent lors de la maturation du cerveau, pendant la grossesse ou en bas âge. Les personnes n’en guérissent pas mais mettent en place des dispositifs d’adaptation pour faciliter leur quotidien.

On estime que 5 à 10% de la population est atteinte d’un trouble de l’apprentissage comme la dyslexie. Concrètement, les personnes dyslexiques rencontrent deux problématiques liées d’une part à la reconnaissance des mots écrits et d’autre part à la compréhension du langage. Voici quelques bonnes pratiques partagées lors de l'événement qui améliorent l’accessibilité d’un contenu à ces personnes :

-Choisir une police d’écriture sans jambage ou empattement, et la plus simple possible, avec une taille de caractère augmentée (pour faciliter le déchiffrage des mots)

-Utiliser un interlignage de 1,5 (pour éviter que la personne ne saute des lignes)

-Ne pas justifier le texte (car le changement d’espace entre les mots rend la lecture plus difficile)

-Ne pas surcharger visuellement le contenu et aller à l’essentiel (pour ne pas fatiguer l’utilisateur et faciliter la compréhension du contenu)

Cette conférence était co-organisée par Lili for Life, start-up Rouennaise qui développe une lampe de lecture pour les personnes dyslexique. Nous avons eu l’opportunité d’échanger quelques mots avec Bertrand Descours, son directeur général.

Nous lui avons notamment demandé en quoi l’entreprise s’inscrivait dans la logique du Numérique Responsable :

« Lili for Life s’appuie sur une découverte académique qui a maintenant 2 ans : une des causes de la dyslexie est d’ordre visuel : les deux yeux d’une personne dyslexique sont directeurs, et envoient en même temps leur message au cerveau, ce qui provoque un effet d’image miroir, ce qui n’est pas le cas chez les personnes ne souffrant pas de dyslexie.

Cette découverte a permis une innovation technique : l’utilisation d’une lumière stroboscopique à assez haute fréquence (60 à 120 hz) permet de court-circuiter le message d’un des yeux et ainsi gommer l’effet miroir lors de la lecture. La lampe améliore la lecture sur support papier chez 80% des personnes dyslexiques l’ayant testé. Le produit s’appuie sur un travail de recherche important, mais est assez simple dans sa conception et sa fabrication. Il est de plus durable et fabriqué en France, dans le Val d’Oise.

Nous travaillons également sur un nouveau produit permettant de faciliter la lecture sur écran d’ordinateur, prévu pour 2024.

Mais au-delà des solutions techniques et technologiques, l’entreprise s’est dotée d’une mission de sensibilisation du public à la dyslexie, de parler des difficultés et des forces des personnes dyslexiques »

Même si certains pourraient questionner la réelle nécessité d’ajouter une application mobile pour régler la lampe, l’initiative regroupe plusieurs dimensions du numérique responsable : la technologie au service de l’humain, l’accessibilité et l’inclusion.

La lampe vient donc s’ajouter aux nombreux dispositifs qui peuvent accompagner les personnes en situation de handicap dans leur quotidien. Nous ne manquerons pas de vous en présenter certains dans les prochains numéros de la newsletter.