Synthèse de l'étude de l'ADEME et de l’Arcep sur l’impact environnemental du numérique : quelles projections en 2030 et en 2050 ?

Les impacts environnementaux du numérique sont-ils amenés à augmenter fortement à horizon 2030 et 2050 en France ? L’étude prospective Ademe Arcep tente de répondre à cette question et propose plusieurs scénarios avec des résultats fortement différents, mêlant de la sobriété et de l’éco-conception d’une part, et du tout technologique de l’autre : deux schémas de société s’opposent dans les chiffres.

Mesurer l’empreinte environnementale du numérique en France et identifier des leviers d’action et bonnes pratiques pour la réduire. Tel était l’objet de la mission confiée par le gouvernement à l’ADEME et l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse) en août 2020. Suite à la publication des deux premiers volets de l’étude en 2022, l’ADEME et l’Arcep ont remis au gouvernement en mars 2023 le troisième et dernier volet, portant sur l’évaluation prospective de l’impact environnemental du numérique en France, à horizon 2030 et 2050.

Pour rappel, l’étude s’est appuyée sur la méthodologie de l’analyse du cycle de vie (ACV) multi-critères (12 indicateurs environnementaux dont l’empreinte carbone, l’épuisement des ressources, la consommation d’énergie, l’acidification…), multi-étapes (phases de fabrication, distribution, utilisation et fin de vie) et multi-composants (Les terminaux, les réseaux et les centres de données).

Les premiers volets avaient mis en évidence que la plus grande partie des impacts est liée aux terminaux utilisateurs (79% de l’empreinte carbone). Et bien que le temps passé devant les écrans ait augmenté significativement sur les 15 dernières années, la principale responsable des impacts environnementaux n’est pas l’utilisation mais la fabrication de ces équipements (près de 80% de l’empreinte carbone).

Les objectifs des deux horizons de temps sont légèrement différents :

Le premier à 2030 vise, sur un horizon de court-terme, à cumuler différentes mesures d’écoconception et de sobriété d’un scénario à l’autre afin d’identifier des leviers d’action pertinents et leur éventuelle combinaison.

Quatre scénarios ont été retenus :

  • Un scénario de référence dit « tendanciel » qui projette les évolutions actuelles du numérique
  • Un scénario « d’éco-conception modéré »
  • Un scénario « d’éco-conception généralisé »
  • Un scénario « de sobriété » Ces scénarios reprennent des hypothèses différentes concernant l’allongement de la durée de vie des équipements, la limitation du nombre d’équipements ainsi que la substitution de certains des équipements les plus gourmands en ressources.

 

Voici les résultats des quatre scénarios sur trois des douzes impacts étudiés : 

Résultats des 4 scénarios en 2030

Résultats des 4 scénarios en 2030 par rapport à 2020, selon 3 principaux critères 

Dans le scénario sobriété, la durée de vie des équipements est allongée de 2 ans par rapport à 2020 et ils sont éco-conçus, le nombre d’équipements et d’infrastructures réseaux reste stable, la consommation électrique unitaire des équipements baisse fortement.

A l’horizon 2050, l’étude s’est appuyée sur les scénarios retenus par l’ADEME dans son étude multi-sectorielle intitulée « Transition(s) 2050 », à savoir :

  • Génération Frugale
  • Coopérations territoriales
  • Technologies vertes
  • Pari réparateur

Ces scénarios ont été repris et déclinés spécifiquement au numérique. En effet ces scénarios cohérents mais très différents permettent tous d’atteindre une neutralité carbone sur l’ensemble de l’économie française et non sur le seul secteur du numérique, et peuvent donc induire une hausse significative de l’impact du numérique permettant de faire baisser fortement l’impact d’autres secteurs.

On note alors des évolutions de l’empreinte carbone du secteur très variables, allant de -45% pour le scénario « Génération frugale » jusqu’à +372% pour le scénario « Pari réparateur ». Le scénario tendanciel à 2050 affiche quant à lui une hausse de +285% à 49 Mt éq CO2.

Les hausses importantes s’expliquent principalement par une explosion du nombre d’équipements : dans le scénario « Pari réparateur », c’est 14 fois plus d’équipements qu’en 2020, et 43 fois plus d’objets connectés.

Les résultats de l’étude ADEME-Arcep interpellent sur la trajectoire tendancielle que pourrait prendre le numérique si rien n’est fait. Les scénarios envisagés à horizon 2050, qui visent tous la neutralité carbone, impliquent des changements importants de nos sociétés, dans nos manières de consommer, de fabriquer, de concevoir. Avec une empreinte carbone du numérique à 2050 qui pourrait être multipliée par 3 dans le scénario tendanciel, les efforts à faire sur les autres secteurs seront d’autant plus importants pour atteindre les objectifs de neutralité.

L’étude met également en évidence qu’un des enjeux environnementaux majeurs du numérique, outre son empreinte carbone, est la disponibilité et la dépendance aux métaux stratégiques et autres ressources utilisées pendant la phase de fabrication des terminaux.

Ainsi, il ressort de l’étude que le premier levier d’action pour limiter l’impact du numérique est la mise en œuvre de politiques de sobriété numérique qui commencent par une interrogation sur l'ampleur du développement de nouveaux produits et services numériques, et une réduction ou stabilisation du nombre d'équipements.