Mieux comprendre l’accessibilité numérique : on fait le point avec Sébastien Delorme d'Ideance

Au mois de novembre a lieu la semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées. Une bonne occasion pour mieux comprendre l’accessibilité numérique, les réglementations en vigueur, et comment intégrer le sujet au sein de son organisation.

 

Comme nous vous le rappelions dans cet article du mois précédent concernant les évènements à venir, la semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées du 20 au 26 novembre mettra en avant le rôle de la transition numérique. Un moment idéal pour mieux comprendre le sujet de l’accessibilité sur les supports digitaux. Pour cela, nous sommes allés à la rencontre de Sébastien Delorme, expert, formateur et consultant sur le sujet. Développeur front-end (la partie visible de l’application ou du site web) de formation, Sébastien s’intéresse à cette thématique depuis 15 ans et a fondé en 2019 le cabinet Ideance pour accompagner les organismes publics et les entreprises dans leur démarche d’accessibilité numérique.

Pouvez-vous nous indiquer ce qu’on entend par accessibilité numérique ? 

S.D : L’accessibilité numérique c’est le fait de rendre possible l’accès aux contenus (Textes, podcasts, vidéos, etc.) et aux fonctionnalités numériques (Déclarer ses impôts, Réserver une séance de cinéma, acheter un billet de train, etc.) pour les personnes avec un handicap ou une déficience de tout ordre (malvoyant, malentendant, daltonien, dyslexique, etc.). 

En effet ces personnes rencontrent des difficultés à accéder, comprendre et/ou utiliser le service/contenu. L’objectif est donc de leur assurer qu’elles ne se retrouveront justement pas en situation de handicap du fait d’un service ou contenu non adapté

Il s’agit bien de rendre possible, avant même d’aborder une question de confort et de facilité. 

Si on fait le parallèle avec l’accessibilité du bâti : les trottoirs bateaux sont confortables pour tous les usagers (pour passer avec une poussette, à vélo, etc.) mais sont indispensables pour les personnes en fauteuil roulant.
 

Quelles sont les réglementations en vigueur et quel est le niveau de conformité ?

S.D : La première réglementation remonte à la loi du 11 février 2005 qui a élargi les obligations concernant le recours aux travailleurs handicapés, et qui imposait, avec l’article 47, le respect de l’accessibilité numérique pour tout le secteur public. Le périmètre a ensuite évolué en 2019 : l’obligation a été élargie aux entreprises du secteur privé ayant un chiffre d’affaires annuel de plus de 250 millions d’euros.

Cette contrainte a été assez peu appliquée, en raison notamment d’absence de sanctions et d’organismes de contrôle, ce qui est en train d’évoluer depuis 2023.

Enfin, les directives européennes ont également évolué en 2023 avec l’élargissement des obligations à l’ensemble des acteurs du secteur privé proposant un service numérique à des particuliers (exemple : une e-boutique sur un site internet). Il y a deux échéances pour cette nouvelle directive : 2025 pour la création de nouveaux services, et 2030 pour la mise en conformité de services existants.

Nous avons détaillé toutes ces informations sur cet article à propos des obligations légales d’accessibilité.

Concernant la conformité, on manque d’analyses à grande échelle mais une étude de la commission européenne a évalué le taux de conformité entre 2 et 10%.
 

Par où commencer pour se mettre en conformité ?

S.D : Il y a deux aspects de la réglementation à dissocier :

  • L’obligation de transparence : l’organisme ou l’entreprise doit publier une déclaration précisant le taux de conformité de ses contenus et services (comme la déclaration d’accessibilité de la métropole de Grenoble par exemple). Cela nécessite donc comme première étape un audit du site web / du service afin de vérifier le respect des critères d’accessibilité.
  • L’obligation de conformité : Sur la base de l’audit réalisé, il faudra engager des travaux de mise en conformité. Si le site/le service est développé en interne, il faudra faire monter en compétences les équipes par la formation. Si le service est externalisé, il faudra engager une discussion avec le prestataire afin qu’il prenne en compte ces aspects.

Il faut noter que comme pour l’accessibilité des bâtiments, il est beaucoup plus facile de concevoir un service en intégrant l’accessibilité plutôt que de rendre conforme un service existant.
 

Quelles sont les premières bonnes pratiques à adopter ?

S.D : Le plus simple est de commencer par travailler les règles éditoriales car elles relèvent finalement du bon sens. Voici quelques pistes : 

  • Sous-titrer systématiquement les vidéos
  • Être attentif aux contrastes des couleurs pour assurer la lisibilité des éléments textuels (si on se demande si c’est assez contrasté c’est généralement que ça ne l’est pas)
  • S’assurer que les couleurs ne sont pas seules porteuses d’information : le contenu est-il compréhensible en noir et blanc ?
  • Ajouter une alternative aux images : il faut penser à renseigner une description de l’image dans les balises prévues à cet effet qui sera lue par les outils de synthèse vocale. C’est une habitude qui peut aussi être prise sur les réseaux sociaux, comme nous l’avons expliqué lors du webinaire sur les clés pour créer du contenu accessible sur les réseaux sociaux.