Newsletter n°3 de la coalition Numérique responsable - Novembre 2020

Numérique : invisible mais pas dématérialisé

Avez-vous déjà vu un datacenter ? L'extraction de ressources minières ? Un câble sous-marin ? La fabrication d'un ordinateur ? Le numérique est invisible. Il semble dématérialisé et nous fait oublier qu'il est, au contraire, gourmand en eau, en énergie et en terres rares. Penchons-nous un peu plus sur ce sujet, notamment défendu par le chercheur et designer Gauthier Roussilhe.

 

Chiffres & faits clés

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C'est le nombre de disquettes qu'il faudrait pour stocker une page web actuelle telle que le flux LinkedIn. D'une taille moyenne de 0,7 Mo en 2010 (la moitié d'une disquette), les pages web ont atteint une taille moyenne de 3,4 Mo en 2017, chiffre qui continue d'augmenter. De nombreux sites parmi les plus visités, tels que Facebook, LinkedIn ou Amazon, sont bien au-delà (15 à 20 Mo), impliquant une consommation énergétique conséquente pour l'envoi de la page et un chargement lent si l'on ne dispose pas d'un appareil et d'un accès à internet puissants.

15 000 km

C'est la distance moyenne parcourue par une donnée numérique (mail, téléchargement, vidéo, requête web...)

Le numérique n'est pas dématérialisé

Une large majorité de l'impact du numérique est liée à l'infrastructure, à la fabrication des équipements et à leur fin de vie. Comment visualiser cet impact ?

Un impact bien réel

Le collectif d'experts GreenIT nous donne, dans les résultats préliminaires d'une étude à paraître ce mois d'octobre, des éléments de comparaison. Ceux-ci sont groupés en quatre catégories et rapportent les impacts d'un français sur une journée :

  • Consommation d’énergie liée à l'usage du numérique : 9 kWh d’énergie primaire, soit, chaque jour, l'énergie nécessaire pour faire fonctionner un radiateur pendant 8h
  • Participation au réchauffement climatique : 1,15 kg de gaz à effet de serre, soit l'équivalent de 6 km en voiture chaque jour
  • Consommation d'eau douce : 27 L d'eau, soit 3 packs d'eau par jour
  • Epuisement des ressources, notamment en métaux : l'équivalent de 197 kg de terre excavée chaque jour.

 

Une grande partie de ces impacts sont « importés », précise GreenIT, ils ont principalement lieu en dehors de la France, lors de la fabrication des équipements.

Un document de travail de France Stratégie, une institution autonome placée auprès du Premier ministre, ajoute d'autres enjeux (environnementaux, sociaux, politiques et géopolitiques) à prendre en compte.

Le collectif GreenIT recommande donc : « tenir compte de ces impacts invisibles est essentiel pour bâtir un plan d’actions efficace. »

Des infrastructures matérielles

Quelles routes prennent nos documents "dématérialisés" ? Où dorment-ils ? Des cartes permettent de se rendre compte du nombre et de l'omniprésence des datacenters, des câbles sous-marins ou des antennes dédiées au réseau mobile comme la 4G.


> Voir la visualisation des réseaux réalisée dans le cadre du projet italien The Physical Internet

 

 Comment agir en pratique ? Voilà le sujet de la section qui suit !

Usages sobres du web et écoconception : les bons réflexes

L'idée fondamentale pour réduire l'impact du numérique invisible est d'en faire un usage sobre : des sites et des applis plus légers, moins de minutes de vidéo, des usages réinventés ! En plus de permettre de réduire l'impact environnemental, on gagne en vitesse, en accessibilité et en coûts.

Agir en tant qu'utilisateur

  • Utiliser l'extension Carbonalyser pour visualiser la consommation électrique et les émissions de gaz à effet de serre (GES) associées à notre navigation internet
  • Réduire notre usage de la vidéo :

   > réduire la qualité,

   > écouter la radio, des CDs ou des plateformes de streaming audio plutôt que Youtube.

Agir en tant que développeur / SI

Globalement, l'idée est d'écoconcevoir nos produits et services numériques : définition de la fonction recherchée, prise en compte d'indicateurs environnementaux directs ou indirects à toutes les étapes du cycle de vie et dialogue avec les parties prenantes sont des concepts clés proposés par le livre blanc Écoconception des services numériques de l'Alliance Green IT. Les actions possibles peuvent être :

  • Alléger les pages web et applications par une réduction ou un suppression des scripts, médias, services tiers et publicités
  • Tester son site pour trouver des pistes d'amélioration personnalisées. Quelques exemples de tests en ligne :

    > Pingdom Tools

     > Webpage Test

     > PageSpeed Insights

  • Définir un budget qui prendrait en compte des aspects plus larges que l'aspect économique : impact carbone, consommation d'énergie, nombre de kb/s, ... Par exemple, le site de Gauthier Roussilhe, designer spécialiste du sujet, se coupe une fois son budget énergétique mensuel de 5 kWh consommé.
  • Choisir un hébergement à faible impact (cf article à venir)
  • Inclure des contraintes environnementales et d’éco-conception dès la rédaction des cahiers des charges.

En plus des améliorations d'un point de vue environnemental, ce travail permet une réduction des coûts et une meilleure accessibilité en plus d’un questionnement des usages.

Pour finir, l'Alliance Green IT a donné quelques clés pour s'assurer de ne pas faire du greenwashing (p. 19 de leur rapport).

 

Témoignage de Thomas Féraud, dirigeant de FTEL Informatique & Édition

Habitué à l'informatique avant qu'elle ne se démocratise, Thomas Féraud a fondé FTEL il y a plus de 21 ans. Maintenant à la tête d'une équipe de 24 personnes sur les quais de Rouen, il développe sites web et applications métiers sur-mesure ainsi que des produits sur étagère. Plus que simple prestataire de service, il accompagne et conseille les projets qui croisent son chemin avec l'objectif d'être, selon ses mots, "respectueux au sens large".

Qu'avez-vous mis en place pour diminuer l'impact du numérique chez FTEL ?

Au fil des années, nous nous sommes attachés à développer des projets qui servent l'humain, qui sont durables, qui servent la société, qui améliorent le bien-être au travail. Un de nos produits permet par exemple aux collectivités rurales d'organiser des espaces de co-working pour créer du lien, éviter les déplacements inutiles et remettre de la vie dans les petits villages ! À l'avenir, nous allons nous focaliser sur des projets porteurs de sens.

Pour les 20 ans d'FTEL, l'année dernière, nous avons d'ailleurs défini l'humain comme notre valeur première, en plus d'être passionnés et responsables dans notre travail.

Cela se traduit également par une proche collaboration avec Webaxys, datacenter rouennais ayant une démarche éco-responsable poussée, ou avec PayGreen, système de paiement vert. D'ailleurs, je crois beaucoup à l'écolonomie (être écologique permet de faire des économies, ndlr) donc, chez nous, les solutions moins durables sont plus chères !

D'ici quelques mois, nous allons lancer une offre de site bas carbone, où toutes les étapes sont pensées pour minimiser l'impact environnemental.

Qu'est-ce qui a motivé cette démarche ?

Je suis depuis longtemps passionné de plongée sous-marine, j'adore observer les coraux : ce sont de magnifiques écosystèmes, foisonnants de vie. Le fait de les voir disparaître à cause de nos pollutions, notamment plastique, m'a attristé et a fait que j'ai commencé à leur faire la guerre. Ça m'a fait avancer sur d'autres sujets, connexes, et je transmets maintenant cette démarche dans mon entreprise. Une recommandation pour passer à l'action ? Regarder des films ! Je pense par exemple à Demain (2015) ou à Derrière nos écrans de fumée (2020). Ça permet à la fois d'en apprendre plus et de voir des solutions en action.

 

Obtenez le label Numérique Responsable !

Créé par l’Institut du Numérique Responsable en juin 2019, et soutenu par le Ministère de la Transition Écologique et Solidaire, l’ADEME, et le WWF, ce label vise à reconnaître les démarches de numérique responsable dans les entreprises et organisations publiques. Il est attribué suite à un audit effectué par un tiers certificateur expert dans le domaine.

Pour vous accompagner dans votre démarche, la coalition Numérique Responsable vous propose :

  • Une formation certifiante « numérique responsable » de 3 jours
  • Trois ateliers de partage d’expérience et d’approfondissement
  • L’accès à une plateforme d’échange et de documentation
  • Un atelier avec des professionnels locaux de l’éco-conception certifiés Green IT
  • Les conseils d’un expert pour votre démarche

Plus d'informations sur le label sur label-nr.fr. Infos et inscription au programme d'accompagnement gratuit de la coalition Numérique responsable en écrivant à COP21@metropole-rouen-normandie.fr

Challenge collaborateur

Chaque mois, encouragez vos collaborateurs et collègues à faire un geste numérique responsable.

> J’installe l’extension Carbonalyser pour visualiser l’impact de ma navigation internet

Envoyez-nous une photo ou un message à COP21@metropole-rouen-normandie.fr une fois le défi réalisé !